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Des étudiants de lettres sous les ors des Archives nationales

Luce Albert, maîtresse de conférences en littérature de la Renaissance, et deux étudiant∙es de lettres ont donné une lecture publique samedi 20 janvier aux Nuits de la lecture. Un événement national porté par le ministère de la Culture dont la 8e édition avait pour thème « Le corps ».


Luce Albert, Denis Raisin Dadre, Clarisse Zurek et Antoine Brémaud. © Nicolas Cantin, Archives nationales de France.

Construit en 1371, l’hôtel de Soubise est situé dans le 3e arrondissement de Paris. Il accueillait au XIXe siècle l’École des Chartres et abrite désormais, entre autres, le musée des Archives nationales. Un véritable joyau qu’ont pu découvrir Luce Albert et deux de ses élèves, Clarisse Zurek et Antoine Brémaud, en 3e année de licence Lettres à l’Université d’Angers.

« Nous avons été invités pour déclamer des blasons, poèmes qui visent à faire l’éloge ou le blâme d’une partie du corps féminin, rappelle la maîtresse de conférences. Cette invitation fait suite au travail mené depuis 2021 à l’Université d’Angers pour développer l’oralisation des textes, qui avait commencé à l’occasion du 500e anniversaire de la naissance de Joachim du Bellay. »

En effet, ils avaient déjà déclamé des poèmes façon slam ou en prononciation du XVIe siècle dans les rues d’Angers en février 2022, sous la coupole de l’Institut de France deux mois plus tard, puis au château du Plessis-Macé pour les 50 ans de l’UA en juillet, et pour finir au Grand théâtre d’Angers en septembre.

Un moment unique et magique

Samedi 20 janvier, à l’hôtel de Soubise, Luce Albert, Clarisse et Antoine ont donné cette fois trois représentations d’un nouveau spectacle, avec le concours du slameur angevin Kwal (Vincent Loiseau) et du luthiste Miguel Henry. « Plusieurs répétitions ont eu lieu en décembre 2023 à la BU de Saint-Serge pour travailler la mise en scène avec l’aide de Denis Raisin Dadre, qui a fondé l’ensemble Doulce mémoire. »

Sous les ors du salon d’apparat, puis dans la bibliothèque des Archives, Luce Albert et les étudiant∙es se sont livrés à des lectures et à des joutes de slam, alternant entre l’éloge et le blâme (le contre-blason) du nez, des sourcils, de la voix, des cheveux, mais aussi de ce que Rabelais appellerait « le bas corporel ». Des textes humoristiques, poétiques, ou spirituels retravaillés par leurs soins et présentés selon une trame historique évoquant la cour de François Ier et ses concours poétiques.

Le tout en musique, à la tombée de la nuit, dans une ambiance feutrée. « Il y avait une cinquantaine de spectateurs à chaque représentation, c’était assez intimiste, se souvient Clarisse. Il fallait soutenir leur regard et les capter avec la parole seule, c’était impressionnant. » « Au fil de la journée de répétition, on gagnait en assurance », ajoute Antoine.

Après trois spectacles de 45 minutes chacun, il est l’heure de baisser le rideau. Le trio peut repartir à Angers, conscient d’avoir partagé un moment unique et magique. « Maintenant, je suis de plus en plus à l’aise à l’oral : savoir déclamer a décuplé mon amour de la langue et m’a donné goût à l’étude des textes car on les incorpore au lieu de les analyser, on les vit ! », savoure Clarisse.

« Avec des textes courts, on prend le temps de déguster chaque poème, c’est un autre rapport à la lecture », ajoute Antoine. « Il faut avoir la littérature dans le corps pour la faire vivre : c’est parfois épuisant physiquement mais tellement grisant !, conclut Luce Albert. Donner envie au public de savourer ces textes du XVIe siècle, ce n’est pas facile et pourtant cela fonctionne. Même les enfants ont ri, ont été émus et sont repartis ravis ! »

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