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« Réfléchir à la manière de construire une société durable »
Dans son dernier ouvrage – intitulé Déclin et chute du néolibéralisme et publié en octobre aux éditions De Boeck Supérieur -, l’économiste David Cayla livre une analyse profonde des politiques monétaires et du rôle des États qui peinent à répondre aux défis contemporains.
Qu’est-ce que le néolibéralisme ?
David Cayla : Au début des années 1970, les désordres monétaires et la fin du système de Bretton Woods ouvrirent une phase de généralisation des politiques néolibérales. Le néolibéralisme est l’idée que le rôle de l’État est de faire fonctionner les marchés et que ces derniers doivent créer des prix et quantifier les valeurs. Ces prix vont ainsi être des incitations qui coordonneront les comportements sociaux. Les taux d’intérêt, comme tous les prix, doivent être déterminés par le marché.
Or, lors les dernières crises (financière en 2008, avec la Grèce en 2015, du Covid-19 en 2020), les banques centrales se sont mises à intervenir pour sauver l’économie. Ces interventions furent dictées par l’urgence et ont entrainé le contrôle des taux, donc du prix du capital. Vont-elles perdurer ou allons-nous revenir à l’état antérieur ? Je pense qu’un retour au principe des prix de marché est impossible.
En quoi est-il en déclin ?
D.C : Cette phase de néolibéralisme s’est refermée en raison de son impuissance à résoudre les problèmes soulevés par la crise financière de 2008. Aujourd’hui, en raison de la crise climatique et celle de l’énergie, les États sont contraints d’intervenir pour réguler les prix. Ce contrôle des prix de production renvoie au modèle des Trente glorieuses mais le contexte est différent : la croissance est moins forte et les sources d’énergie se font rares. C’est ce que j’appelle la chute du néolibéralisme, qui ne signifie pas un monde meilleur car le système se tend et il y a une tentation autoritaire. Les systèmes chinois ou russes pourraient être des débouchés pour une fin du néolibéralisme.
Vers quel monde allons-nous nous tourner ?
D.C : Nous continuerons de produire et de consommer. Mais l’avenir devra se bâtir sur de nouveaux rapports entre société et marché. Les 50 dernières années n’ont pas permis de résoudre les contradictions fondamentales posées par la poursuite d’une croissance industrielle et agricole dans un monde aux ressources limitées. De plus, et on le voit avec les crises actuelles comme la guerre en Ukraine par exemple, une société dans laquelle les pénuries se multiplieraient ne peut plus être une société gérée par des marchés en concurrence. Dans un avenir proche, la question sera de comprendre comment articler un gouvernement démocratique avec des marchés en concurrence. C’est pour cela que je propose en conclusion quelques éléments qui pourraient constituer un agenda pour une économie démocratique. À l’heure où les enjeux environnementaux, sociaux et géopolitiques ont rarement été aussi importants, il serait temps de réfléchir collectivement à la manière de construire une société vraiment durable.