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Séparés par des virgules

Quelles places pour les femmes dans les collectivités ?

Maîtresse de conférences (HDR) en droit public, Martine Long vient de co-signer Les collectivités territoriales et les femmes. Cet ouvrage fait suite à un colloque qui s’est tenu à l’UA en septembre 2021.

C’est un sujet d’étonnement pour les juristes. Adopté en 1996, le Code général des collectivités territoriales ne comportait pas une fois le mot « femme ». Il y figure aujourd’hui trente-quatre fois et ces vingt dernières années ont ainsi vu l’apparition et la multiplication des dispositifs favorisant la promotion de l’égalité femmes-hommes dans le droit des collectivités territoriales. « Cette égalité a été érigée comme principe fondamental à partir du milieu du XXe siècle, rappelle Martine Long, qui participe depuis plusieurs années au Groupement de recherche sur l’administration locale en Europe (Grale). Il est intéressant de mettre en exergue les failles liées à l’égalité car il y a des lacunes dans les textes juridiques. C’est un thème peu traité par les juristes mais qui a été exploré lors d’un colloque organisé par les Universités d’Angers et de Nantes. » Et de ce colloque est donc né l’ouvrage sorti le 28 avril dernier.

Favoriser l’égalité ou bien l’imposer ?

Composé de 13 chapitres, dont deux rédigés par Félicien Lemaire et Jimmy Charruau, respectivement professeur de droit et enseignant-chercheur en droit public à l’UA, l’ouvrage évalue les potentialités et les limites du cadre juridique dans lequel s’insèrent les actions des collectivités territoriales pour favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes.

Exemple flagrant de ce déséquilibre : en 2009, moins de 10 % des directeurs généraux des services étaient des femmes et avant les lois « de parité » en politique, 90,8 % des conseillers généraux étaient des hommes. « Depuis 2013, ces lois agissent comme de la discrimination positive puisqu’elles imposent aux collectivités de prendre en compte l’égalité femmes-hommes lors des élections locales. Comme le démontre Mylène Le Roux, professeure à l’Université de Nantes, cette base juridique reste fragile : par exemple au sein de la fonction publique territoriale, les femmes sont très représentées en catégorie C mais moins quand on monte dans la hiérarchie. »

Autre question qui interpelle également les juristes, celle de l’accès au service public. Ce dernier est dominé par le principe d’égal accès et la Constitution interdit, par ailleurs, le sexe comme motif de différentiation. Mais les exemples de mise en place de créneaux spécifiques à la piscine pour les femmes - et les polémiques qui en découlent - peuvent jouer en leur faveur ou défaveur. « Les évolutions législatives tendent à reconnaître la possible introduction de mesures à visées correctrices et la mise en place de dispositifs propres aux femmes (campagne contre le sexisme, luttes contre l’insécurité ou la précarité menstruelle), souligne Martine Long. Pour reprendre l’exemple de la piscine, le débat relève du principe d’égalité : le service public doit être le même pour tous et juridiquement, aucune demande basée sur un critère prohibé par la Constitution ne peut être faite. Néanmoins, ce principe de non-utilisation a été assoupli avec la charte de la laïcité publiée en 2007 qui détaille que le service s’efforce de prendre en compte les convictions des usagers dans le respect des règles auxquels il est soumis. Face à ces réalités, aux enquêtes menées, et aux polémiques qui alimentent le débat, la réflexion des juristes demeure faible sur ce point. »

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