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Le numérique et les sciences humaines au service du patrimoine

Cécile Meynard, professeure de littérature française à l’Université d’Angers, vient de publier Patrimoine et humanités numériques. Cet ouvrage aborde les nouveaux enjeux des acteurs du patrimoine à l’ère du numérique.

Comment définir le patrimoine et de quelle manière le valoriser tout en le rendant accessible au grand public ? Cécile Meynard et ses collègues, Thomas Lebarbé, professeur en humanités numériques à l’Université Grenoble-Alpes, et Sandra Costa, professeure agrégée en arts à l’Université de Bologne, ont répondu à cette interrogation dans un livre intitulé Patrimoine et humanités numériques. « Les humanités regroupent la littérature et une partie des sciences sociales, rappelle avant tout l’enseignante. Pour commencer, il a fallu déterminer la notion de patrimoine parce qu’il peut être culturel, artistique, voire industriel, rural, immatériel… Un exercice d’autant plus difficile que cette définition varie selon les cultures. »

Une technologie à apprivoiser

Une fois le patrimoine identifié, Cécile Meynard invite les lecteur·rice·s à découvrir le rôle du numérique et ses conséquences. Avec ses avantages et inconvénients. « Le digital à un rôle majeur à jouer car il permet notamment de regrouper et classer virtuellement des objets physiquement dispersés. Grâce à lui, le·la chercheur·e dispose d’un autre regard sur les informations dont il·elle dispose mais il faut être conscient des limites. »

La question de la conservation est par ailleurs centrale : faut-il tout archiver en prévoyant qu’un jour le moindre objet ou document sera patrimonial, au risque de perdre, voire désintéresser le public au milieu de cette masse de données numérisées ? « S’associant au potentiel du numérique, les humanités proposent de nouvelles approches théoriques et pratiques, souligne Cécile Meynard.  Elles peuvent rendre plus juste, plus complète et plus claire la perception de ce patrimoine par les utilisateurs en créant du lien, en enrichissant et en classant les données produites. »

Le processus de patrimonialisation permet de contextualiser des textes, images, paysages et traditions, ou de modifier les pratiques du public, amateur ou spécialiste en lui donnant une place et une autonomie accrues. Plusieurs contributeurs de l'ouvrage le démontrent : les humanités numériques permettent entre autres de rendre accessibles et valoriser la culture et les langues du Piémont (région d'Italie), un fonds de photographie sur plaques de verre ou encore des œuvres hypermédiatiques, qui seraient autrement en grand danger de disparition.

Du virtuel au réel

Dans la seconde partie du livre, d'autres cas concrets de patrimonialisation sont abordés, comme par exemple la mise en ligne des carnets de Philippe Glangeaud. La publication de ces écrits sur un site web dédié permet de comprendre le travail de ce géologue en Auvergne et d’identifier les lieux de ses découvertes. L’internaute peut feuilleter ces textes et schémas et consulter les photos des roches volcaniques ramassées au fil des découvertes. Un glossaire et une bibliographie facilitent la lecture et proposent d’approfondir les recherches. Avant, pourquoi pas, d’aller sur le terrain pour un autre voyage, moins virtuel celui-là, à la découverte de ce patrimoine régional qu’est le paysage des volcans d’Auvergne.

Rendre l’internaute acteur de la patrimonialisation et non seulement spectateur est un autre objectif des sciences sociales. Une initiative déjà réalisée par l’Université d’Angers lors du premier Numérithon en 2018 : plus d’une vingtaine de personnes, dont des étudiant·e·s, avaient numérisé des manuscrits de conférences de Benoîte Groult, pour la plupart inédits. Organisés plus tard, deux Transcripthons ont permis à un public de non spécialistes de participer à la transcription d’une partie de ces pages, apportant ainsi une aide précieuse pour les chercheurs. « Tout le monde peut ainsi aider la science à progresser », termine Cécile Meynard.

 

 

 

 

 

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