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« La forme brève existe depuis la nuit des temps »

Cécile Meynard, professeure de littérature française, et Karima Thomas, maître de conférences en études anglophones, sont membres du Centre interdisciplinaire de recherche sur les patrimoines en lettres et langues (Cirpall). Elles ont coordonné la sortie de l’ouvrage intitulé L’Ultra-bref : le temps de la fulgurance. Entretien.

Pourquoi avoir écrit un livre concernant les formes brèves ?

C.M et K.T : Le Cirpall est né de la fusion des laboratoires Crila et Ceriec en 2017 et à cette occasion, on s’est rendu compte que plusieurs chercheurs travaillaient sur la nouvelle, les séries télévisés, le lien entre texte et image, la musique, les fanfictions, les bandes annonces, la twittérature… Nous avons pensé qu’ils pouvaient se réunir autour de la thématique des formes brèves. C’est dans le prolongement des travaux et colloques de l’axe « nouvelles et formes brèves » du Cirpall que ce livre est né. Un ouvrage plus généraliste, co-dirigé par Cécile Meynard et Emmanuel Vernadakis, intitulé Formes Brèves : au croisement des pratiques et des savoirs, a déjà été publié en 2020. Avec L’Ultra bref : le temps de la fulgurance, nous avons souhaité mettre l’accent sur un aspect particulier, celui de la temporalité.


Karima Thomas et Cécile Meynard

Nous sommes les auteures du chapitre introductif et nous avons coordonné le volume de façon que ce soit un ouvrage collectif exigeant et structuré. L’ensemble a été expertisé et relu par des spécialistes des différents domaines explorés par les contributeurs. Le volume a une dimension internationale puisqu’il aborde des œuvres produites et connues à l’échelle mondiale et des phénomènes sociétaux internationaux : nous avons des textes de contributeurs français, suisse, tunisien, italien, canadien, bulgare…

Comment peut-on définir une forme brève ?

C.M et K.T : Elle peut être définie comme une forme qui peut se lire, se regarder ou s’écouter en une fois. Elle est caractérisée le plus souvent par sa densité et une économie spécifique qui favorise l’allusion, l’ellipse, l’intertextualité, et qui implique par conséquent énormément le récepteur. Celui-ci est invité à compléter le propos, à le prolonger et à méditer. En ce sens, la forme brève est plutôt suggestive qu’exhaustive. Elle a aussi un côté plus percutant, voire fulgurant, qu’une forme plus longue.

Est-ce un sujet régulièrement analysé ?

C.M et K.T : C’est un sujet qui est traité par différents spécialistes, mais chacun dans son coin, au sein de sa communauté, et sans forcément réfléchir à la notion elle-même. Notre force et notre originalité en ce sens est de favoriser la rencontre et le dialogue entre les chercheurs de manière à enrichir cette notion par le biais de l’interdisciplinarité. Notre ouvrage s’inscrit donc dans le prolongement de Formes brèves : au croisement de pratiques et des savoirs, et obéit à la même logique : celle de rassembler toutes ces réflexions dans une même étude, en nous intéressant cette fois-ci à leur temporalité complexe, de l’instantané à l’éternel, en passant par le sériel et le cyclique.

En quoi la forme brève est un symbole de notre époque ?

C.M et K.T : La forme brève existe depuis la nuit des temps. Les paraboles, les fables, le haiku, les contes de fée, les mythes ou de nombreux textes religieux sont des formes brèves qui ont parcouru l’histoire de l’humanité. Les inscriptions dans les grottes sont autant de formes brèves mettant en scène de façon synthétique des épisodes de la Préhistoire. Toutefois, on observe aujourd’hui un renforcement du phénomène notamment avec le développement du numérique, d’internet et des nouveaux moyens de communication, qui favorisent d’une certaine façon la vitesse et la dimension synthétique.

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