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Séparés par des virgules

Miser sur le microbiote des graines pour la santé des plantes

Soutenu par l’ANR, le projet Inherseed vise à identifier les micro-organismes présents sur les graines favorisant le développement et la bonne santé des plantes de culture et ornementales. Les résultats pourraient permettre de diminuer l’usage de pesticides.

Photo de Marie Simonin dans une serre.
Marie Simonin a rejoint l’IRHS en 2019.
Comme sur notre peau, un microbiote composé de micro-organismes (bactéries, virus, protistes et autres champignons non pathogènes) vit à la surface des plantes, de ses feuilles, de ses fleurs ou de ses graines. Ce tout petit monde intéresse particulièrement Marie Simonin.

Durant sa thèse à Lyon, la Sarthoise a étudié les conséquences des polluants sur le microbiote du sol, puis, aux États-Unis, l’impact des activités humaines sur la biodiversité microbienne. À Montpellier, elle a questionné le rapport entre pratiques agricoles et microbiote des plantes. Arrivée à Angers en 2019, comme chargée de recherche Inrae, elle a intégré l’unité IRHS (Institut de recherche en horticulture et semences) et son équipe EmerSys, spécialiste des bactéries associées aux plantes, et en particulier du microbiote des graines.

Grande expérience

Cet univers infiniment petit conserve sa part d’ombre. « Actuellement, on a décrit le microbiote des graines, mais on ignore d’où il vient, explique Marie Simonin. Quelle part est transmise par la plante mère ? Quelle proportion est issue de l’environnement ? »

Apporter une réponse à ces questions constituera le premier axe du programme Inherseed que l’Agence nationale de la recherche (ANR) a accepté de soutenir en novembre dernier (360 000 euros sur 4 ans). Pour ce faire, une première expérimentation d’ampleur va être lancée en septembre 2024. Cinquante espèces de plantes cultivées et ornementales annuelles (carottes, haricots, pétunias, blé…) vont être observées durant une année, dans l’environnement contrôlé de la nouvelle serre Phénotic 2. « On va partir de la graine et caractériser son microbiote. Puis, semer, et étudier le microbiote de la plante en croissance et des graines qu’elles vont produire. En parallèle, nous caractériserons le microbiote de l’environnement (sol, air, pollinisateurs), afin de déterminer quelle fraction du microbiote de la graine est transmise depuis la plante mère ou de l’environnement qui l’entoure ».

L’envergure du projet nécessite des moyens. À compter de mai 2024, un technicien va être spécialement embauché pour 18 mois pour la production végétale dans Phénotic 2.

Le second objectif d’Inherseed est de faire progresser les connaissances sur le rôle des divers micro-organismes des graines. « Nous allons pouvoir voir s’il y a transmission de génération en génération, et en quoi, tel ou tel micro-organisme est important pour le développement ou la santé des plantes via l’inoculation de microbiote synthétique sur les graines. Aux quatre coins du monde, quel que soit le climat et les espèces végétales, notre équipe a observé que certaines bactéries et champignons étaient toujours présentes dans les graines. Ces observations nous laissent penser qu’ils doivent jouer un rôle clé pour la santé de la plante », résume celle qui recevra l’appui d’un post-doctorant.

Questionner les conditions de production

Ces travaux s’inscrivent dans la lignée du programme Sucseed, qui vise notamment à mettre fin à l'utilisation des pesticides sur les semences et proposer des solutions alternatives. « Les résultats de nos recherches pourraient questionner les conditions de production des semences, confirme Marie Simonin. Aujourd’hui, pour des questions de qualité sanitaire et d’exportation, on nettoie ou stérilise au maximum les graines en agriculture. Mais, en faisant cela, ne se prive-t-on pas d’un grand nombre de micro-organismes des graines qui sont favorables au développement et à la santé des plantes ? »

L’effet de la stérilisation pourrait être compensé, en inoculant, avant l’utilisation des graines, les micro-organismes d’intérêt, et produire ainsi des plantes plus résistantes (nécessitant donc moins de traitements). Reste à savoir quels sont ces micro-organismes importants dans le microbiote. C’est l’ambition d’Inherseed.

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