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Soutenance de thèse de Monsieur Denis LE GUEN
Le 13 novembre 2025 de 14:00 à 17:00
14h00 | Maison de la Recherche Germaine Tillion | Amphi Germaine Tillion | 5, bis boulevard Lavoisier | ANGERS
Sujet : La culture matérielle des gens de mer en Bretagne à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle. Croisement entre les archives judiciaires et l’archéologie sous-marine
Directeur de thèse : Monsieur Florent QUELLIER
RÉSUMÉ
Ce travail de recherche porte un regard anthropologique sur le pont des navires en Bretagne à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle. Les objets étant au cœur des interactions sociales, il s’agit d’étudier la culture matérielle des gens de mer en croisant à parts égales les archives judiciaires et les données issues de l’archéologie sous-marine. Le développement de la grande pêche et du commerce maritime à cette époque, ainsi que l’essor de la Marine royale confrontent de manière inédite une part croissante de la population à l’expérience du navire. La thèse cherche à comprendre comment les gens de mer sont aux prises avec leur environnement matériel, et comment cette mise en situation les conditionne en retour, en déterminant à la fois leur champ des possibles et les représentations qu’ils construisent du monde qui les entoure. Les sources écrites sont majoritairement issues des fonds d’amirautés de Nantes et de Saint-Malo, et sont plus particulièrement constituées de centaines de procédures judiciaires impliquant des gens de mer qui, lorsqu’ils ne sont pas mobilisés sur les vaisseaux du Roi, s’engagent pour la pêche à Terre-Neuve, les îles de l’Amérique ou les campagnes corsaires. Les litiges portés en justice se concentrent sur la question du temps de l’engagement et de sa juste compensation. Les archives judiciaires restituent de cette manière des scènes de vie à bord, faisant revivre les hommes et les objets qu’ils manipulent. Ces données font écho aux données archéologiques provenant des sites de la Hougue et de la Natière. Là où les archives s’attachent à décrire le contexte dans lequel les objets sont manipulés au cours de la campagne, les épaves sous-marines apportent une épaisseur indispensable à la compréhension des gestes du navire. Les sources écrites comme archéologiques convergent pour décrire l’expérience du navire comme un temps et un espace de la contrainte, ce dont témoigne par ailleurs la fréquence des mutineries et des désertions qui touchent les marines de l’époque moderne. Les hommes s’engagent pour plusieurs mois de navigation dans des conditions particulièrement éprouvantes ; ils sont soumis à une autorité de nature disciplinaire et ne peuvent se délier de leur engagement sans l’autorisation de leur capitaine. Leur culture matérielle est le produit de cet espace-temps contraint du navire. Les objets sculptés à partir de douelles de tonnellerie, la toile et le cuir du navire réemployés pour la confection de vêtements révèlent le contrat qui lie entre eux les membres d’équipage. Ils disent la place de chacun à bord du navire. Le microcosme que constitue le navire de l’époque moderne est particulièrement manifeste dans le cas de l’alimentation. Le matelot finit par s’identifier à la gamelle avec laquelle il mange sa ration. Ses efforts supplémentaires, lors d’un combat ou d’une tempête, sont récompensés par la distribution de vin et d’eau-de-vie ; les vivres de la chambre du capitaine sont distribués au malade, à condition que son mal ne soit pas la conséquence de ses propres excès ; le séditieux, au contraire, est réduit au pain sec et à l’eau. Les pratiques alimentaires des gens de mer permettent de restituer avec plus de justesse l’« économie morale » du navire, depuis les multiples tensions pour l’accès aux vivres jusqu’au jet des aliments à la mer, qui marque le déclenchement des révoltes. La culture matérielle contribue à donner aux gens de mer les traits de l’altérité. Ils jouent, par exemple, un rôle essentiel dans l’acculturation des produits venus d’ailleurs, comme le sucre ou le tabac, dont la consommation recompose des lignes de partage au sein des sociétés de l’époque moderne. Le brûle-gueule que le matelot glisse dans la poche de sa veste au moment d’une manœuvre se distingue de la manière de fumer des honnêtes hommes. En raison de leur dépendance au rythme de la navigation et de leur mobilité entre deux campagnes, les gens de mer sont assimilés aux « pauvres étrangers » dans on craint alors les troubles et les désordres. La culture matérielle permet ainsi de réinterroger la question de l’identité des populations maritimes. Figure de l’autre sur les quais lointains, figure de l’absent chez soi, les gens de mer et leurs objets occupent une place à part dans la fabrication des représentations et leur mémoire.
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