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Séparés par des virgules

La santé à l’âge d’or des paquebots

Membre de l’unité Temos, François Drémeaux ambitionne de dresser une « histoire transnationale de la santé en mer à l’époque contemporaine » (fin du XIXe-milieu du XXe siècle). Pour ce faire, il vient de se voir accorder une prestigieuse bourse européenne Actions Marie Sklodowska-Curie, avec son projet ShipPan (Shipping Pandemics).

Quarantaine, passeport vaccinal… autant de notions que le monde a (re)-découvert avec le Covid. « On l’a oublié, mais tout cela faisait partie du quotidien des gens qui voyageaient jusqu’au milieu du XXe siècle, rappelle François Drémeaux. À l’époque, vous ne preniez pas un paquebot sans visite médicale, sans vaccin ».

La santé à bord était un enjeu pour les compagnies maritimes (crédit : French Lines et Compagnies).
La santé à bord était un enjeu pour les compagnies maritimes (crédit : French Lines et Compagnies).
François Drémeaux
est historien et voyageur. Après son master à l’Université d’Angers, il prend la direction de la Côte d’Ivoire, du Vietnam puis de Hong-Kong. Après 16 années à l’étranger, l’enseignant soutient en 2016 une thèse d’histoire contemporaine, sous la direction d’Yves Denéchère, sur les « Présences françaises à Hong Kong dans l’entre-deux-guerres », thèse éditée durant l’été 2022 aux PUR sous le titre La France et les Français à Hong-Kong (1918-1941). Il met ensuite le cap sur Le Havre, siège de French Lines et Compagnies. Cet établissement public conserve les archives des grandes compagnies françaises subventionnées, comme la Compagnie Générale Transatlantique ou la Compagnie des Messageries Maritimes. « Une mine d’or ».

« Comment prévient-on les épidémies ? »

Ce qui intéresse François Drémeaux, ce n’est pas tant l’histoire maritime que ce qu’elle dit des relations internationales, sociales, coloniales… Il s’aperçoit qu’un pan entier de cette histoire a été peu exploré jusque-là : la santé en mer. « Comment gère-t-on les accidents à bords ? Comment prévient-on les épidémies ? Comment les prend-on en charge quand elles surviennent ? Comment les marins ou les passagers vivent-ils ces épisodes ? Comment est prise en compte la santé mentale, par exemple, les crises de folie lors des longues traversées ? »

L’historien ne manque pas de questions. « On peut se demander quel a été le rôle des puissances coloniales ? Plus les échanges transimpériaux augmentent, plus on forme des médecins. Mais ce sont surtout les compagnies qui semblent proactives car, pour elles, les problèmes de santé signifient de possibles retards. Et il est intéressant d’observer comment les connaissances médicales qui se forgent à bord, dans l’urgence et dans cet espace confiné, sont ensuite diffusées à terre ».

Deux ans en Californie

Fin connaisseur des relations transatlantiques et transindiennes, le chercheur connait peu les liaisons transpacifiques, « avec ces longs trajets, entre San Francisco et Shanghai par exemple, ou Hong-Kong ». Un manque pour une véritable vision mondiale. « C’est pour cela que j’ai proposé à la Commission européenne une collaboration avec Michael G. Vann, un historien de la California State University, à Sacramento, spécialiste des épidémies en situation coloniale ».

Obtenue avec le soutien de Cap Europe, le service de l’Université d’Angers d’aide au montage de projets, la bourse européenne Actions Marie Sklodowska-Curie, d’un montant de 335 000 €, va permettre à François Drémeaux d’aller explorer les archives américaines. Durant 2 ans, il séjournera en Californie, partageant son temps entre l’université de Sacramento et les fonds d’archives de San Francisco. La troisième année s’effectuera à Angers, au sein de l’unité Temos, avant la restitution des travaux, qui prendra notamment la forme d’un livre synthèse et d’une exposition sur la santé en mer.

Le billet pour le départ est déjà réservé. François Drémeaux embarquera le 23 avril 2023 à bord du Queen Mary 2, pour une traversée d’une semaine à destination de New York. Il rejoindra ensuite la Californie par la route, afin d’éprouver « le périple des migrants d’autrefois, mais sans les inconvénients » et se plonger un peu plus dans le contexte de ses recherches.

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