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Migration des enfants : un pan méconnu de l’histoire à explorer

Yves Denéchère, directeur de l'unité mixte de recherche (UMR) Temos, coordonne le projet de recherche intitulé « Enfants en décolonisation : migrations contraintes et construction individuelle (1945 – 1980) ». Ce dernier vise à interroger historiquement les effets des logiques biopolitiques (une forme d’exercice du pouvoir sur les populations) sur la construction personnelle d’enfants ayant vécu des mobilités imposées.

Combien d’enfants ont été séparés de leur famille d’origine dans le contexte de la décolonisation ? Comment ces personnes se sont-elles construites et intégrées dans la société française ? Quel regard ont-elles sur leurs parcours ?

Ces questions liées aux enfants et jeunes déracinés sont au cœur d’un programme de recherche collaboratif, financé par l’ANR à hauteur de 300 000 euros pour une durée de 36 mois.  « L’étude porte sur les migrations contraintes vers la France depuis ses possessions (Indochine, Algérie, Madagascar) de milliers d’enfants, détaille le professeur d’histoire contemporaine à l’UA. Organisés ou contrôlés par l’État selon des motivations populationnistes (favorables à l’accroissement de la population) ou post-coloniales, ces déplacements d’enfants avaient une dimension humanitaire mais étaient aussi organisés dans l’intérêt de l’État. »

Une démarche historique pour mieux comprendre la construction des identités


Groupe d’enfants sur la base militaire française de Seno (Laos), avant de prendre l’avion pour la France, 6 mai 1963.
Déplacés en famille ou accueillis dans des foyers, familles d’accueil ou adoptés, ces enfants ont connu des migrations diverses. « Il faut interroger ces déplacements à la fois comme source de vulnérabilité, et comme support de leur construction individuelle, et saisir comment les enfants et adolescents naviguent entre contraintes et opportunités. Nous pensons que la construction de leur identité résulte d’une articulation entre l’environnement (politiques de racisation, organisations de prise en charge), la relation aux autres (familles, parents, frères et sœurs, autres enfants, éducateur∙trice∙s religieux ou laïcs, Français∙e∙s de métropole...) et les processus d’identification (race, genre, pays d’origine, climat et nourriture, langue et culture). »

A partir d’archives émanant des acteurs impliqués (dossiers des enfants par exemple), de témoignages écrits et d’entretiens oraux des personnes concernées, l’historien entend bien mettre en avant ce pan méconnu de l’histoire, à l’image de l’exposition consacrée aux Eurasiennes « rapatriées » sur Musea. Le projet prévoit la mise en place d’ateliers d’écriture croisée entre les personnes ayant vécu ces migrations et les chercheures. Dans le cadre du programme, une école thématique du CNRS, organisée par Temos intitulée « Nommer, être nommé∙e, (se) nommer : enfance, genre, identité et pouvoir », aura lieu en juin prochain.

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