« Dames de fraises » : de l’enquête académique à l’adaptation en BD

Le livre de la géographe Chadia Arab, Dames de fraises, doigts de fée. Les invisibles de la migration saisonnière marocaine en Espagne vient d’être adapté en récit graphique, par Annelise Verdier.

À la fin des années 2000, des milliers de Marocaines sont parties travailler à la cueillette des fraises dans la province de Huelva, en Espagne. Recrutées directement au Maroc par des contrats saisonniers, ces femmes sont choisies pour la précarité de leur situation et parce qu’elles laissent des enfants qui les contraindront à revenir. Dans Dames de fraises, doigts de fée, Chadia Arab, directrice de recherche CNRS, membre de l’unité ESO-Angers analyse les rouages de ce programme de migration circulaire, pensé pour répondre aux besoins de main-d’œuvre et réguler les flux migratoires entre le Maroc et l’Union européenne, mais dont les femmes sont les grandes oubliées.

Paru en 2018 aux éditions En toutes lettres, réédité en en 2023, l’ouvrage a été traduit en espagnol, italien, et, récemment, en arabe. Depuis fin août 2025, ce travail a donné lieu à un autre prolongement : une BD éponyme de 128 pages, éditée par Alifbata, une maison marseillaise spécialisée dans la bande dessinée et l’espace méditerranéen, en coédition au Maroc avec En toutes lettres.

Les premiers contacts ont été noués il y a 3 ans. « Avec l’autrice Annelise Verdier, nous nous sommes rencontrées une première fois au Maroc, durant l’été 2022, lors d’une résidence d’artiste, pour commencer à parler de l’adaptation », rappelle Chadia Arab. L’illustratrice toulousaine a poursuivi sa réflexion, à travers des échanges, ou en participant à des campagnes de terrain. En 2023, « elle est allée en Andalousie, pour se rendre compte du quotidien des femmes sur place ».

« Une fiction, basée sur des faits réels »

Ainsi est né le roman graphique « Dames de fraises, doigts de fée ». Si le titre est identique, « moi, j'ai produit une enquête scientifique. Elle, c’est une fiction, basée sur des faits réels que ce soient les rencontres qu’elle a pu faire ou ses lectures », précise Chadia Arab, qui signe la préface.

Dans cette histoire, le lecteur suit le parcours de trois femmes marocaines, Farida, Nadia et Najet qui laissent tout derrière elles, le temps d’une saison. « Elles ont des histoires de vie différentes. L’une est mariée, l’autre divorcée, la mère de la troisième est malade ». Chaleur, pesticide, abus des employeurs… Annelise Verdier donne un visage à toutes ces saisonnières cueillant à longueur de journée « l’or rouge ».

« Cela permet de rendre accessible à un autre public une enquête socio-géographique, se réjouit Chadia Arab. On y voit aussi les émotions qui ne transparaissent pas forcément dans un livre académique ».