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Séparés par des virgules

« Je voulais mettre de la démocratie dans la vie de l’entreprise »

Jean Auroux, ancien ministre du Travail de 1981 à 1983, était présent à la Faculté de droit mardi 1er février à l’occasion du 40e anniversaire des lois qui portent son nom. Près de 300 étudiant∙e∙s ont assisté à sa conférence.


Jean Auroux, entouré de Bernard Gauriau (à gauche) et Christophe Daniel (à droite).

Un anniversaire peut en cacher un autre. Si Jean Auroux est intervenu devant près de 300 étudiant∙e∙s mardi 1er février à la Faculté de droit à l’occasion du 40e anniversaire des lois éponymes, la présence de l’ancien ministre du Travail est due à une autre célébration, fêtée quelques mois plus tôt à une centaine de kilomètres d’Angers. « J’ai rencontré Jean Auroux à Rennes en novembre 2021 lors du 40e anniversaire de l’Institut des sciences du travail de l’ouest (Issto), se souvient Bernard Gauriau, professeur de droit privé à l’Université d’Angers. Je lui ai demandé s’il souhaitait venir donner une conférence concernant les lois Auroux à Angers en 2022 et il a accepté. »

D’élections en élections

Aux côtés de Bernard Gauriau et Christophe Daniel, doyen à la Faculté de droit, l’ancien ministre du Travail n’a pas été avare en anecdotes. Pendant plus de deux heures, les étudiant∙e∙s de 3e année de licence en Droit, de master Droit des affaires, Droit des entreprises, ou d’Économie, ont ainsi pu suivre l’ascension de ce fils d’agriculteur, professeur dans un lycée technique de Roanne, successivement élu conseiller général en 1976, maire de Roanne en 1977, puis député de la Loire l’année suivante. « On ne sait jamais ce que la vie peut offrir et c’est l’un des messages que j’ai voulu transmettre aux étudiants : soyez disponibles ! »

Encarté au Parti socialiste après le Congrès d’Epinay en 1971, Jean Auroux est chargé des questions sur le logement dans l’équipe de François Mitterrand et devient ministre du Travail lors de la victoire de la gauche à la présidentielle de mai 1981. « C’était un risque puisque le climat social était complexe, avec des conflits sociaux un peu partout, se souvient-il. François Mitterrand m’avait prévenu : ce que l’on ne fait pas les 18 premiers mois du mandat, on ne le fera jamais. »

« Toujours un plaisir de retrouver des étudiants »

Aidé par des collaborateurs soudés et soutenu par Georges Marchais, secrétaire général du Parti communiste, et Lionel Jospin, premier secrétaire du Parti socialiste, Jean Auroux fera promulguer les quatre lois qui portent son nom entre août et décembre 1982, après les premières ordonnances sur les 39 heures et la retraite à 60 ans. Interdiction de toute discrimination dans l’entreprise, création d’un droit d’expression des travailleurs, création du comité d’hygiène, de sécurité, et des conditions de travail (CHSCT), obligation annuelle de négocier, élargissement des prérogatives et des moyens du comité d’entreprise : ces quatre lois ont modifié le droit du travail en France et un tiers du Code du travail. « Elles représentent une avancée sociale importante à l’époque et beaucoup existent encore », rappelle Bernard Gauriau. « Je voulais mettre de la démocratie dans la vie de l’entreprise, précise Jean Auroux. Mon seul regret concerne le droit d’expression : ça aurait pu libérer la parole mais cela n’a pas fonctionné car tous les syndicats n’étaient pas enthousiastes et certains salariés ne voulaient pas s’exprimer en public, de peur que l’on se moque d’eux. »

François Mitterrand fut néanmoins satisfait du travail effectué et nomma Jean Auroux secrétaire d’Etat chargé de l’Énergie en mars 1983, des Transports en juillet 1984, puis ministre de l’Urbanisme en 1985. Face à ce témoignage important, les étudiant∙e∙s ont pris de nombreuses notes et posé des questions portant sur sa plus grande réussite ou et le texte dont il est le plus fier. Il répliqua sans hésiter que les piliers de ses réformes ont été le comité d’entreprise et le CHSCT. Parler devant les étudiants est un exercice qu’affectionne l’ancien ministre. « C’est toujours un plaisir de les retrouver et de leur faire connaître nos institutions, confie-t-il. Il faut apprendre à défendre la citoyenneté dans l’entreprise. J’aime dire que l’avenir n’est pas celui qu’on attend, mais celui qu’on fait. »

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